On les suit depuis leur passage en 2012 au Midi Festival, ce groupe australien est considéré pour certains comme le renouveau de la scène de Madchester. Ce qui n'est pas sans nous déplaire ! Jagwar Ma en tout cas c'est un beau mariage d'influences électriques et électroniques comme on les aime à Novorama ! On se devait donc de les rencontrer ... Ce qu'on a fait en mai dernier à l'occasion de leur concert au festival lavalois Les 3 Elephants !
Pour mieux comprendre la genèse de Jagwar Ma, pouvez-vous nous raconter ce qu’a représenté le groupe FLRL pour vous, ça correspond aux débuts de Jagwar Ma, non ?
FLRL était en quelque sorte annonciateur. C’était la première fois que Gavin et moi on jouait ensemble en live mais on se connaissait depuis longtemps avant ça et nous avions nos propres formations même avant FLRL, mais c’est vrai que ça a été un bon stimulant pour créer Jagwar Ma même si ce n’était pas à proprement parler le début du groupe.
Ça nous a surtout rapprochés Gavin et moi comme musiciens et nous avons continué à collaborer pour créer ensuite Jagwar Ma.
Beaucoup de différents musiciens, d’univers très différents ont soutenu votre musique en disant énormément de bien comme The XX, Foals mais aussi Noel Gallagher d’Oasis, est-ce que ça vous a surpris ou bien ça vous a amené des opportunités ?
Cela dépend des groupes que tu as cités, car ils ont découvert l’album de façon différente, alors évidemment pour ce qui est de Noel Gallagher, on n’a pas vraiment eu d’interaction avec lui ou même son frère mais évidemment le fait qu’il ait salué notre travail nous a vraiment touchés même si c’était assez intimidant à la fois mais pour ce qui est des autres, nous avons tourné avec les XX et les Foals, principalement parce qu’ils aimaient notre groupe... Mais il y avait aussi une connection assez personnelle avec les Foals parce que le frère de Jono, Dave, a réalisé certains de leurs clips et quand ils venaient en Australie on trainait ensemble dans un bar qu’on aimait bien, donc oui il y avait une petite connexion déjà avec eux.
La plupart des critiques citent la période anglaise du Madchester, était-ce quelque chose d’intentionnel de votre part, ou est-ce que c’était simplement accidentel ? Peut-être était-ce du à une écoute intensive de ces groupes par le passé?
Pour moi pas vraiment, je connais un peu ces groupes, j’avais des albums des Stone Roses que j’aimais bien mais ce n’est pas là-dessus que repose la musique de Jagwar Ma selon moi.
A chaque fois qu’on entend parler de cette influence de Madchester on trouve que c’est un peu réducteur, que ça omet bien davantage de groupes ou de villes qui nous ont inspirés également dans nos vies. Je veux dire que je comprends qu’on puisse penser à Madchester mais même le terme lui-même est si réducteur car les Primal Scream sont de Glasgow, Andrew Weatherall est de Londres et beaucoup de musique qui a influencé cette scène vient de Détroit ou de Chicago.. Je veux dire qu’on est influencé par beaucoup de musiques différentes, on aime la musique dancefloor, la musique électronique, la pop, le jazz, le rock donc oui on comprend qu’on puisse faire penser à cela mais ce n’est qu’une petite pièce d’un plus grand puzzle.
Et aussi quand on a mis en ligne notre premier titre, Come Save me, tout le monde s’est mis à parler des Beach Boys donc c’est encore autre chose, et on a même été comparés à Animal Collective ou Panda Bear.
Oui et c’est super qu’on ait pas des retours comme “oui j’entends une sorte de vibe à la Mili vanilli”, ça sonne quand même comme un compliment quand on nous parle de Madchester.
On parlait justement de votre hit “Come save me” et du fait que ça a été très largement diffusé sur les blogs musicaux. Et à propos du media internet, est-ce que c’est quelque chose que vous avez totalement adopté ou qui vous est étranger ou que vous rejetez peut-être?
Ah non ! On aime vraiment internet, que ce soit pour mater de nombreux épisodes de Louie Ck, ou de Tim & Eric ou de tomber sur ce groupe japonais de post-punk en butinant sur la toile de blogs en blogs jusqu’ à Youtube et après une nuit à découvrir plein de musique comme ça, tu veux juste remercier dieu ou je ne sais qui de nous avoir donné internet. Evidemment il doit y avoir cette répercussion sur la vente d’albums car les gens vont peut-être le télécharger, mais pour sa vertu en termes d’échange culturels je trouve que c’est un prix à payer qui est plutôt honnête.
Et je pense aussi que ça soulève cette question, qu’à présent on est entrés dans une ère fantastique où payer la musique est un choix, si tu veux payer tu peux mais si tu ne peux pas te le permettre tu n’es pas obligé et pourras tout de même écouter, ce qui est plutôt cool.
Mais on aime aussi s’en départir de temps en temps, on continue à fréquenter assidument les disquaires et on pense que c’est plutôt sain de consommer la musique des deux façons, on croit encore au fait de se procurer un objet physique avec le soin apporté à l’illustration de couverture et le processus d’écoute, qui consiste à mettre l’objet dans un lecteur de disque et de consacrer un certain temps et une certaine attention à cette activité, je pense que c’est aussi important. Parce qu’on peut aussi avoir tendance à se perdre avec tout le choix propose internet, donc il est bon de garder un peu d’équilibre entre ces deux façons de consommer de la musique.
Tiens, regarde par exemple sur cette photo que j’ai prise aujourd’hui, je viens d’acheter un vinyle de Kill’em all de Metallica et je suis devant un restaurant de Laval à la devanture assez classique, le contraste est plutôt cool entre la couverture et le décor.
Vous vivez à présent à Londres, qu’est-ce qui a guidé votre choix de quitter l’Australie pour la France puis ensuite pour Londres ?
Et bien pour enregistrer l’album, on a dû venir en France parce que pour être honnête ça coûtait moins cher de louer un studio que de le faire à Sydney.
Oui, c’était effectivement des contingences financières mais aussi par commodité car un ami à nous a un studio dans la Loire et je m’y étais rendu un an avant que Gavin et moi nous mettions à faire de la musique ensemble, je l’avais aidé à le construire. Donc une partie de mon matériel de musique était déja là-bas et l’endroit m’était familier. Et ça nous a aidés car on avait des boulots à Sydney et même si ça fonctionnait, parce qu’on avait même écrit « Come save me » là-bas, on n’arrivait à se retrouver que tous les 4 jours parce qu’on avait nos jobs et qu’on vivait la vie folle d’une grande ville donc on s’est dit "allons enregistrer dans un studio en France où on pourra vivre pour pas trop cher, se concentrer sur la musique et se libérer de ce qui peut nous distraire, nos jobs, nos copines, nos bagnoles ou je ne sais quoi !"
Et il faut dire aussi qu’on est là aujourd’hui assis ici à répondre à des interviews et on se prépare à jouer sur une grande scène et à faire d’autres concerts... Mais au moment de l’enregistrement, on l’a fait de manière assez candide et c’était presque comme une expérience qu’on faisait, allons essayer de finir ce qu’on a commencé. Il y avait déjà eu un peu de buzz autour de « Come save me » que certaines personnes avaient entendu, en tout cas quelques extraits, donc c’était une manière de voir si tout ça pouvait marcher au bout du compte. Et tu peux imaginer si ça avait tourné super mal, d’ailleurs ça a failli tourner super mal pour des raisons assez personnelles, on a failli sortir de route à un moment, mais ensuite déménager à Londres semblait être la suite logique parce que c’était là que notre management et tout ce qui est lié au business du groupe se trouvait. Et aussi, simplement d’un point de vue géographique, Londres est tout simplement plus central sur le plan international, bien plus que Sydney qui est à 24h d’avions d’où que ce soit.
Mais aussi cela va sans dire, on est aussi assez passionné par la France, on est particulièrement francophiles, j’adore la culture française et je tente d’apprendre un peu le français, on a tous les deux essayé d’apprendre le français et on apprécie énormément la cuisine française mais aussi la musique française également. Aussi notre label est anglais mais il est managé par une équipe de créatifs français donc je pense que ça doit être dit également, par respect.
On peut donc continuer l’itv en français alors ?
Ah non, non , ce serait une interview très courte (rires) !
Oui et pour revenir au fait qu’on soit allés à Londres c’était pour des raisons pratiques, Comme le disait Gavin la ville résonne totalement en terme de musique, avec tous ces labels, tous ces producteurs, tous ces musiciens, ces clubs, ces disquaires, tous ces ingrédients, tout cet environnement artistique très sain est très apparent à Londres. Et il y a aussi tous ces studios qui nous ont permis de finaliser l’album parce que le studio en France était parfait pour la composition de l’album, dans le fait d’expérimenter, de développer des idées mais ce n’est pas non plus comme un studio professionnel, donc quand est venu le temps de finaliser les choses, de les affiner, de les mixer et de lustrer un peu le produit fini, il y a tout un tas de studios à Londres pour ça, comme celui de Mark Ralph, qui a la console analogique Coney Plank qui a servi à l’enregistrement de tous les groupes de Krautrock mythiques comme Kraftwerk, Can ou Neu, donc on a utilisé ça à Londres mais il y a aussi Berlin, avec Ewan Pearson avec qui on a passé quelques semaines pour mixer l’album.
Ewan Pearson a mixé votre album alors.
Oui il a mixé la plupart des morceaux, mais il y avait aussi Steve Dub qui a mixé les album des Chemical Brothers mais aussi de Roots Manuva et de Prodigy, on a travaillé avec lui sur deux morceaux à Londres.
Kevin Parker, un compatriote australien, a travaillé en tant que producteur avec pas mal de groupes français comme Melody Echo Chamber par exemple. Est-ce que c’est quelque chose qui vous intéresserait aussi ?
Ah oui carrément !
Vous avez rencontré des groupes français qui vous ont plu et avec qui vous aimeriez travailler ?
On est devenus très potes avec les Pachanga Boys, même s’ils ne sont pas français, ils vivent à Paris. Je suis aussi pote avec Feadz depuis assez longtemps alors peut-être que quelque chose va se faire avec lui, sait-on jamais.
Donc plutôt des artistes électroniques alors, mais c’est vrai que c’est le style dans lequel les artistes français ont le plus de succès sur le plan international...
Oui et on a des sessions studios de prévues avec Daft Punk d’ailleurs bientôt !
Ha c’est plutôt cool ça ! Super nouvelle !
Oui c’est aussi tellement pas vrai (rires)...!
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site officiel : https://jagwarma.com/
Interview en écoute : Emission du 16 juin 2014 avec l'interview de Jagwar Ma
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