Il y a des artistes capables de secouer notre lanterne et nos tripes à la première écoute, d'autres sont à aborder de manière plus poussée car la patience apporte parfois la surprise. Le premier conseil (quand on écoute ou on chronique un album) serait d'avoir une bonne sono, pour pouvoir saisir les subtilités instrumentales et vocales. Le deuxième, la réécoute et l'étude de ces artistes, pour comprendre et dévoiler leurs parcours. Le troisième, se laisser surprendre puis juger (le mot est délicat), pour s'exprimer.

 

Pour moi, Deerhunter nécessite ces efforts, tellement leur univers m'est inconnu. Fions-nous aux renseignements. Le groupe serait concentré autour de la personnalité "tourmentée" (le mot me plait) du chanteur guitariste Bradford Cox, co-fondateur de Deerhunter avec Moses Archuleta (batterie, claviers) en 2001, à Atlanta. Les trois autres membres du groupe sont Lockett Pundt (guitares), Josh Fauver (basse) et Whithney Petty (guitariste et remplaçante depuis 2008 de Colin Mee).

Au regard des trois albums et deux Eps précédents, reconnus et salués par la critique, le parcours musical de Deerhunter semble original. D'abord, accrochez-vous, punk et rock garage/noise pour Turn It Up Faggot (2005). Puis rock et pop psyché, post-punk et ambient pour Cryptograms (2007). Enfin, une orientation plus dream pop et shoegazing (résumons par plus calme) avec l'Ep Fluorescent Grey (2007) et les deux albums Microcastle et Weird Era Cont. (2008). L'Ep Rainwater Cassette Exchange (2009) confirmait un virage vers une pop efficace, instinctive et rayonnante. Bref, l'avis est désormais partagé, les précédents albums foutent une belle claque d'éclectisme et de talent, sans réelles fioritures.

Deerhunter revient avec Halcyon Digest, sorti le 28 septembre dernier sur le label britannique 4AD. Première impression avec Earthquake, la lenteur des instruments, le psychédélisme des profondeurs emmenées par la voix torturée de Brad. On se croirait dans du formol lâché dans l'espace.

Don't Cry est une envolée pop toute simple, une berceuse éthérée qui ressemble à la musique de Patrick Watson, froide et lumineuse. Comme Sailing, une guitare en sourdine pour une balade folk/pop, qui semble se dérouler dehors, surpris par les bruits de vent.


Basement Scene laisse les guitares diriger, tout monte avec la voix pour nous percher dans un... sous-sol. Fountain Stairs se rapproche des Velvet Underground pour un hymne pop hypnotique, qui fait du bien.

Revival
pousse plus rapidement et on remarque que Deerhunter est capable de rester sur le fil tout en augmentant la cadence. Memory Boy confirme cette hausse rythmique. Un morceau de deux minutes d'une joie entraînante.

Desire Lines
vient titiller électriquement la peau, de la crème qui se rapproche du groupe américain Animal Collective. Une âme folk/psyché aérienne parfaitement maîtrisée. Pareil pour Helicopter, dont les hélices tournent lentement au dessus du capiton et deviennent plus molles à mesure que la fin s'approche. Coronado donne la part belle au rock, la voix métallique et le saxo viennent rajouter plus de masse au morceau.

Le final est un hommage au musicien de génie Jay Reatard, mort le 13 janvier dernier. He would have laughed est tout simplement magique, spirituel et planant. Le morceau de sept minutes vient clôturer un album du même ton, spatial, mature et réfléchi tout en restant dans la simplicité.

Avec Halcyon Digest, Deerhunter réussit à convaincre mais surtout à affirmer le chemin parcouru. Un album aux multiples influences, emmenant vers toujours plus de surprises et méritant d'être salué, bien bas, par les fans (comme les autres) d'une musique pop marquée d'une empreinte personnelle.

 

Myspace : https://www.myspace.com/deerhunter

 

 

Tracklist de Halcyon Digest :

1. Earthquake

2. Don't Cry

3. Revival

4. Sailing

5. Memory Boy

6. Desire Lines

7. Basement Scene

8. Helicopter

9. Fountain Stairs

10. Coronado

11. He Would Have Laughed

 

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