Depuis certains de ses albums des années 2010 comme Sunny, Lucky et Emo, Towa Tei a entrepris de simplifier les titres et les concepts de sa musique, comme s'il voulait réduire son art à son noyau dur ou à son essence. Ce processus se poursuit sur son dernier album qu’il a intitulé LP et qui nous arrive comme une lettre d'amour fort inspirée qu’il adresse à la musique et au son lui-même. Même au sein de sa discographie on ne peut plus ludique, l’album LP possède un charme distinctif et remarquable.
À la différence de certains de ses précédents albums plein de featurings, il y a relativement peu de voix cette fois-ci, ce qui laisse à Towa Tei tout l'espace nécessaire pour batifoler avec différents synthés, et des rythmes et des samples en tous genres.
Le morceau "DJDJ" est un autoportrait plutôt enlevé, et donne l'impression que jouer des morceaux de musique, en faire des mash up et les mixer est ce qu’il y a de plus fun à faire dans sa vie. L'esprit si vibrant de ce nouvel album est loin d'être une surprise car Towa Tei a ce don de créer des morceaux si vivants qu’on a l’impression qu’ils prennent vie sous nos yeux. On en avait déja eu un aperçu lorsqu’il faisait partie du groupe Deee-Lite, à qui on doit ce tube “Groove in the Heart” sur lequel on a tous dansé.
Cependant, il y a quelque chose de spécial dans la façon dont Towa Tei fait le lien entre le passé, le présent et le futur sur cet album. Par exemple il réunit la jeune pop star Hana et le veteran Haruomi Hosono du Yellow Magic Orchestra sur le titre "Birthday", et la juxtaposition de la voix aux tonalités vives de la jeune chanteuse et les tons plus rudes de Haruomi Hosono sur la musique pétillante de Towa Tei suggère qu'il s'agit d'une célébration d’anniversaire pour tous les âges.
Le producteur évoque également des générations de sons plus spirituels et sophistiqués comme le Shibuya-kei, ce sous genre local de la J-pop, et les hommages à la pop urbaine sur les élégants et funky "Rendezvous" et "Magic", ou "Consumer Electronics", une vision lumineuse de la technologie qui semble un peu nostalgique.
Heureusement, les liens de ce nouvel album avec le passé ne sont pas tant surannés qu'ils ne sont un résumé de toutes les astuces et techniques de production que Towa Tei a perfectionnées au fil des ans. Le morceau "Fabulous" est par exemple méticuleusement construit à partir d’une bass slapée, de trompettes staccato et d'harmonies vocales, mais sur le titre "Ringwear", on a l'impression que Towa Tei se saisit physiquement de ses samples pour les étirer comme du caramel fondu. Il navigue aussi très habilement entre les extrêmes de la surcharge sonore bourdonnante du titre "Mind Power" et la dérive finale de "Nomadologie", sur lequel une trompette se promène dans une ambiance flottante, tout aussi complexe mais bien moins agitée que ce qui l'a précédé. Ces amuse-bouches pour les oreilles nous montre encore une fois l'excellence de Towa Tei dans la musique ludique et qui sonne.