En observant de près l’oeuvre de Deerhunter, qui comprend des albums et des titres comme Fading Frontier ou “Memory Boy”, on s’aperçoit que la nature fugace et éphémère de la vie est une notion qui a toujours fasciné leur leader Bradford Cox. Jusqu’à ce huitième album que nous découvrons aujourd’hui , ces réflexions sur l’éphémère étaient tout à fait personnelles et liée à sa maladie incurable. Mais à présent sur cet album intitulé “WHy Hasn’t Everything Already Disappeared?, il observe le monde autour de lui de la même façon qu’il considérait sa propre vie sur ses premiers albums.
Même si ce changement de perspective est du au climat politique de ces dernières années, la conception de la résistance pour Deerhunter n’est certainement pas de d’exprimer leur colère contre les injustices du moment mais plutôt contre une histoire de l’inhumanité et de la mort qui semble ne jamais trouver de fin à l’aide de morceaux qui sonnent faussement plein de vie.
Deerhunter a un vrai talent à associer des sujets bouleversants avec des mélodies douces et enlevées à la fois, et dont le contraste n’a jamais été aussi subversif que sur les deux premiers titres de ce nouvel album. Ainsi sur “Death in Midsummer” qui semble s’adresser à la chair à canon, ces hommes arrachés de leur vie pour être envoyés au front, un clavecin joué par l’artiste galloise Cate Le bon exprime la nature incisive et le goût pour l’inattendu cultivé par le groupe, bien plus que le raffinement qu’il suggère habituellement dans la pop.
Le titre “No One’s Sleeping” est quand à lui inspiré de l’assassinat de cette femme politique du parti travailliste anglais, Joanne Cox, avec des paroles comme “There’s much duress/Violence has taken hold” (Il y a beaucoup de détresse, la violence s’est installée) avec des claviers plein d’entrain et quelques cuivres.
Plus loin sur l’album, Bradford Cox semble inébranlable mais plein de compassion à la fois sur la nature incontournable du destin qui nous est tous promis, avec le titre “What Happens to People?” Des passages aussi poignants pourraient être pris pour des accès de nostalgie mais le chagrin qui transpire de cet album ne provient pas d’un regret des temps passés mais plutôt d’un regret que les choses aient tournées ainsi. Et ils enfoncent le clou de cette anti-nostalgie sur le morceau “Futurism” et plus indirectement sur le titre “Plains” qui s’inspire du film Giant avec James Dean tourné à Marfa au Texas, qui est aussi le lieu où cet album a été enregistré.
Du souci et des questionnements suggérés par le titre de ce nouvel album Why Hasn’t Everything Disappeared? au mélange de délicatesse et de colère qui s’expriment dans ses morceaux, il est sans doute l’oeuvre la plus envoûtante et qui pousse davantage à la réflexion de leur discographie.