Même lorsqu’on connaît déja le post-rock troublant et très contrasté de Son Lux, son nouvel album Tomorrows III apparaît comme une conclusion remarquable d’une trilogie particulièrement épique. Le premier volet Tomorrows I, d'août 2020, était déséquilibré mais sobre, Tomorrows II était lui plus introspectif, et ce troisième chapitre d'avril 2021 est aussi intense que flamboyant et déprimé. Le fil conducteur du tryptique est à chercher du côté de la reconstruction ou de la réinvention, mais comme un papillon qui émerge en pleine dystopie.
L'album s'ouvre sur un instrumental qui crée une tension un poil cacophonique.
Sur le titre "Unbind", qui commence par un quatuor à cordes et une mélodie sentimentale très vite rejointe par des effets sonores qui voltigent et vont lentement crescendo. Viennent ensuite une basse grondante et la batterie affirmée et déséquilibrée de Ian Chang, avant qu'un solo de guitare de Rafiq Bhatia, plein de distorsions, ne prenne le dessus. Le morceau évolue dans la cacophonie tout en s'accrochant aux restes de son tempo et de sa mélodie.
Bien que le mélange volatile de textures acoustiques et électriques soit une marque de fabrique du groupe - Ryan Lott manipule souvent ces timbres acoustiques pour obtenir des effets qui paraissent venir d'un autre monde - mais ici, les textures opposées semblent rester distinctes et se mêler étroitement, comme une boule de neige qui dévale une pente enneigée. Ce mélange disparate de sons naturels et électroniques est une marque de Tomorrows III qui apparaît très tôt sur un deuxième morceau qui amplifie des cordes étouffées ainsi que des percussions à la main sur les fûts de la batterie, lancés sur des intervalles mineurs éteincelant de claviers.
Ce titre, "A Different Kind of Love", est le premier morceau vocal d'un album qui, comme les précédents volets de la série, alterne des morceaux chantés avec un tissu plus instrumental et c’est le morceau qui introduit la voix fragile et angoissée (et parfois déformée) de Ryan Lott, tandis que dans d’autres morceaux tels que "Plans We Make", "Sever" et "Vacancy", il est accompagné par des chanteuses dont Holland Andrews, Kiah Victoria et Kadhja Bonet, cette dernière ayant déja prêté sa voix sur le titre "Plans We Made" de l’album Tomorrows I.
Un titre qui fait écho au morceau "Plans We Make" de ce nouvel album, qui s'ouvre tranquillement sur un hurlement lointain, des sons sourds déformés ainsi que des percussions organiques éparses, et qui retrouve le chant murmuré de Kadhja Bonet. Tout au long de l'album Tomorrow's III, Son Lux jongle habilement entre délicatesse et grandiloquence, entre naturel et contre-nature, avec comme finalité l'acceptation du changement.