La direction artistique empruntée par Parquet Courts au cours de leur carrière aura plutôt été colorée et sinueuse, passant progressivement de la nervosité punk électrique de leur album phare de 2012 Light Up Gold au funk anguleux de leur sixième album produit par Danger Mouse, le fameux Wide Awake ! que je vous avais présenté dans cette émission en 2018. Leur septième album Sympathy for Life s'éloigne encore plus des racines rock du groupe, explorant des rythmes de club induisant la transe, des expérimentations dub et une fusion de formes organiques et électroniques du psychédélisme.
Avec des structures trouvant leur source dans des jams improvisés méticuleusement édités et affinés ensuite avec l'aide de Rodaidh McDonald, collaborateur de Hot Chip et David Byrne, les morceaux de ce nouvel album s'enchaînent comme les parties indépendante d'un même rêve.
Le titre d’ouverture "Walking at a Downtown Pace", inspirée du groupe Primal Scream, démarre avec une ligne de basse bourdonnante et un déluge de guitares trippées que les rythmes dansants empêchent de sombrer dans un chaos des plus total. Ce morceau s'inspire directement de la scène des clubs de Manchester de la fin des années 80 et du début des années 90, mais la voix sans fard du chanteur Andrew Savage lui donne une énergie distinctive qui l'empêche d'être un hommage total ou un plagiat. Quelques instants plus tard, "Black Widow Spider" offre une combinaison étrange de sons de basse distordus et bancals, de répétitions Krautrock-esque et de phrasés mélodiques sourds qui font presque penser aux Kinks. Cette combinaison d'approches donne un sentiment surréaliste qui ne peut être attribué à aucun de ses éléments individuels, et ce genre de synthèse inattendue devient la recette assumée de l'album. Qu'il s'agisse du tourbillon dub de "Marathon of Anger", inspiré de l’album Remain in Light des Talking Heads, du funk ambiant de "Plant Life" ou des teintes afrobeat de "Zoom Out", le groupe réunit des styles disparates et les étire dans des atmosphères longues et persistantes.
Seules les guitares garage et les chants hurlants de "Homo Sapien" rompent brusquement le flux hypnotique de l'album en rappelant les débordements punk brutaux des débuts du groupe.
Le traitement prononcé du son et la batterie électronique font sortir le morceau du territoire garage punk ordinaire, et le titre suivant change complètement de cap avec un groove de batterie froid et des lignes de clavier rêveuses. Le groupe Parquet Courts funky et dansant tel qu’il s’était révélé avec l’album Wide Awake ! proposait des morceaux qui donnaient l'impression de célébrer la vie et d'être enthousiastes. Sympathy for Life ne perd rien de cet esprit un peu funky, mais le détourne vers des formes étranges et plus cérébrales. Au lieu de l'excitation de la fête, le groupe fait davantage écho à des artistes comme Can, David Bowie ou les Talking Heads dans leur forme la plus abstraite pour un album qui semble tendu et terne, comme une fête dans laquelle on s’éclate toujours mais qui a duré si longtemps que le soleil se lève et que règne un sentiment un peu bizarre.
En chemin, il évoque de puissants souvenirs sensoriels qui donnent l'impression d'y être, ou de souhaiter y être. Comme sur les albums Private Energy et This Is How You Smile, l'écriture de Roberto Carlos Lange sur ce nouvel album Far In est à la hauteur de sa conception de la musique. Cette fois, il met le bonheur au premier plan, et la chaleur et l'amour de ses chansons montrent clairement qu'il est tout aussi vital de célébrer la vie et de la chérir que de résister et combattre.
https://parquetcourts.bandcamp.com/album/sympathy-for-life