Sur leur quatrième album, le collectif afrofuturiste londonien Ibibio Sound Machine modifie un peu son approche sonore sans pour autant changer radicalement d'orientation musicale. Pour ce nouvel album intitulé Electricity, le groupe s’est offert pour la première fois de confier la production à d’autres artistes et a fait appel à des membres d’Hot Chip soit Al Doyle et Joe Goddard. Ils ont alors déplacé l'électronique qui était au cœur de leur hybridation d'afrobeat, de funk futuriste et de post-punk, et l'ont mise encore davantage à l’avant, avec une electro tantôt enrobante tantôt plus agressive , de la new wave et de la disco.
Le morceau d’ouverture "Protection from Evil" illustre parfaitement cette nouvelle formule. La ligne de basse caoutchouteuse et saturée à la fois d'Al Doyle lance une pulsation rythmique et des synthétiseurs puissants avant que la chanteuse Eno Williams ne prono s’alterne alors tout au long de l’album. Une batterie propulsive, des sons qui raclent, et une basse bancale créent le cadre hypnotique dans lequel elle chante à l’aide d’un vocodeur; arrive ensuite la chanson qui a donné son nom à l'album, sur laquelle Eno Williams imite les voix robotisées du groupe Kraftwerk dans l'intro sans pour autant traiter sa voix, tandis que les synthés Casios et les boîtes à rythmes l’emmènent vers une mélodie imprégnée de pop-soul.
"Afo Ken Doko Mien" est une magnifique chanson d'amour et elle a beau s’articuler à travers une électro ambiante texturée, elle est tendre, mystique et spacieuse offrant une atmosphère nocturne.
Le chant cristallin d’Eno Williams plane au-dessus de claviers bourdonnants et parcimonieux, semblant exprimer la douleur de son désir. "All That You Want", qu’on vient d’écouter marie ensuite la pop progressive aux vibrations synthétiques d’une basse rappelant LCD Soundsystem, avec des envolées pop lyriques, avant d'évoquer clairement l’electro soul cuivrée de leurs compatriotes de Jungle.
Il y a cependant quelques détours qui peuvent sembler un peu plus commerciaux comme le titre
"Wanna See Your Face Again", par exemple. C'est un exercice de house moins réussi car un peu facile et un peu trop grand public à mon goût, même si je ne refuserais pas de danser dessus en bonne compagnie évidemment mais très vite on revient à des choses plus intéressantes avec "17 18 19", sur lequel Eno Williams propose un texte parlé à la Grace Jones sur un rythme massif de disco et de post-punk fracturé.
Le morceau "Oyoyo", plein de polyrythmes africains, rappelle davantage les précédents albums du groupe, mais il sonne comme une respiration bienvenue ici. Pour finir “Freedom", qui clôt l’album, est un exercice intense de trois minutes de broken beat afrofuturiste, de néo-disco et de pop cinématographique pleine de soul, sur lequel la chanteuse invitée Adenike Ajayi prend le lead tandis qu’Eno Williams réapparaît dans le refrain.
Ibibio Sound Machine a toujours cherché à inviter ses auditeurs à la danse et l’album Electricity révèle qu'ils n'auront pas à trop forcer l’envie en soignant rythmes, mélodie et production, les portant à un niveau supérieur sans sacrifier leurs racines afro.
https://ibibiosoundmachine.bandcamp.com/album/electricity-2