Bien que les disques de Miss Grit reflètent l’évolution rapide de Margaret Sohn en tant qu'auteur-compositeur-interprète, multi-instrumentiste et productrice, ils partagent des concepts similaires.
Qu'ils remettent en question les idéaux de la comédie romantique sur l’ EP Talk Talk ou qu'ils affrontent les préjugés raciaux sur l’EP Impostor, les personnages des morceaux de Miss Grit s'affirment avec un mélange frappant de calme et de frustration.
La voix de Margaret Sohn a beau être apaisante, ses guitares et ses synthés sont bouillonnants et parfois noise. Dans son premier album Follow The Cyborg que je vous présente aujourd’hui, Miss Grit remet en question les normes de façon encore plus artistique qu’auparavant.
S'articulant autour de l’histoire d’une intelligence artificielle qui se libère de son créateur humain, Follow the Cyborg est imprégné d'allusions à des œuvres allant d’un essai de Jia Tolentino à des films tels que Ex Machina et Her, en passant par le travail de Satoshi Kon, dont le thriller Perfect Blue donne son titre au morceau d'ouverture, vaste et légèrement inquiétant, qui laisse entrevoir les ambitions de l'album. En accord avec le concept de Cyborg, Margaret Sohn apporte plus de clarté à sa musique, notamment dans les rythmes réguliers et calibrés qui animent chaque morceau.
Comme St. Vincent , l'une des principales influences de Margaret Sohn, Miss Grit excelle à utiliser le détachement pour créer une tension subtile mais palpable comme sur la rébellion du titre "The End" qui se fait passer pour une berceuse à cordes, étirant le suspense jusqu'à ce qu'un rythme massif fasse éclater les contraintes du morceau.
L'écriture de plus en plus sophistiquée de Miss Grit exprime brillamment les frontières floues entre le monde réel et le monde virtuel, ainsi que la conscience croissante, et le rejet, d'être façonné par des opinions extérieures, qu'il s'agisse d'un ensemble de données ou des attentes de la société.
L'utilisation d'un refrain trépidant et chantant pour dénoncer la conformité des réseaux sociaux sur "Lain (Phone Clone)" est d'une bien belle ironie et ailleurs, les paroles de Margaret Sohn sont aussi éloquentes qu' elles font dans l’économie des mots.
La guitare de Miss Grit agit toujours comme un paratonnerre musical sur "Your Eyes are Mine", où le riff fracturé préfigure l'inévitable rupture entre l'IA et son créateur, mais la palette largement électronique de l'album ajoute des dimensions plus excitantes encore à la musique de Miss Grit.
Les émotions de son nouvel album Follow the Cyborg sont plus complexes et plus présentes que dans ses précédents travaux, en particulier dans l'épilogue "Syncing", qui reprend les paroles des autres chansons de l'album en s'évanouissant, offrant une conclusion où le sentiment règne qu'il n'y a pas de retour en arrière possible.
Avec toutes les possibilités que révèle Follow the Cyborg, Miss Grit semble de toute façon n’aller que de l’avant.
https://missgrit.bandcamp.com/album/follow-the-cyborg