En évoluant à partir d’un projet de bedroom-pop partiellement ironique, Jerry Paper a réussi à s’imposer avec un son de funk douce et chaude avec ses deux albums toon Time Raw! Et Like a Baby que je vous avais présenté dans cette émission et qu’il avait enregistré à Toronto avec des membres du jeune combo jazz Badbadnotgood, ainsi que la participation de Weyes Blood et Mild High Club.
Son troisième album Abracadra est le deuxième qu’il signe sur le label Stones Throw, et il l’a enregistré avec son backing band habituel plutôt que des invités, mais il conserve les arrangements soft-rock et les jeux de mots surréalistes de ses prédecesseurs.
Jerry Paper a toujours été un peu extra-terrestre quand il s’agissait de se résoudre à vivre en société, et Abracadabra met au jour ce principe de façon très claire, que ce soit avec la photo de couverture qui le montre nous saluer accroupi dans un champ avec des yeux d’alien qui sortent de sa tête, ou avec la plupart de ses paroles de chansons.
Les titres les plus réussis explorent des réflexions plutôt existentielles, comme lorsqu’il commence le morceau “Memorial Highway” titres en demandant à ce que “les ordures soit nettoyées de son autoroute mémorielle à sa mort”, le tout sur des claviers sous calmants et de doux rimshots, avant de se retourner vers nous avec un sourire sarcastique “ I hope you remember me with a smile”.
“Game Night” prolonge la salve de morceaux enlevés avec des sujets qui contrastent malicieusement avec l’ambiance proposée puisqu’ils parlent de frustration ou de dépression comme lorsqu’il nous confesse “Je suis juste un gars qui n’a pas de chance, et je me sens si vide” avec un chant tout à fait accrocheur et avec le charme détaché d’un crooner.
Ailleurs on le retrouve à dépeindre des personnages vraiment étranges comme sur le titre “Bodybuilder on the Shore” qui nous expose une scène où un type doit faire face à une montée de méthamphétamine en pleine fête d’anniversaire de son fils, tandis que “The Imposter” est le conte d’une imposture, celle d’un criminel qui s’est fait avoir par un grand homme.
Les arrangements vont de la psyché-soul du morceau “Quicksand” à la pop-funk estival et eighties du titre “Cholla”, et le jazz lounge cossu de “Spill it Out”, et ils sont assez raffinés et élégants pour distraire l’auditeur des bizarreries qui y sont racontées.
https://jerrypaper.bandcamp.com/album/abracadabra