Après deux albums indie pop courts et doux-amers, à la construction resserrée, sortis sur le label Bella Union à la fin des années 2010, Ari Roar repointe le bout de sa guitare en 2022 avec l'album autoproduit Made to Never Use.
Le projet solo parfois collaboratif du chanteur/compositeur texan Caleb Campbel a toujours été marqué par des nuances psychédéliques, des rythmes entraînants, des mélodies accrocheuses et des voix contemplatives sans prétention. Ici, cependant, il élargit l'utilisation de progressions harmoniques complexes et de signatures temporelles changeantes - tout cela sans passer à côté d’une rythmique figurative quand il s'agit d'accrocher l’auditeur.
Le premier titre ouvre la voie en mettant un ressort irrépressible dans la cadence dès le départ, avec une guitare rythmique poppy et galopante, des contre-mélodies sonnantes et une basse animée accompagnant son protagoniste toujours malchanceux et un peu anti-héro. Les ruminations frénétiques se poursuivent sur le titre "Out of Bounds", qui oscille entre les mesures paires et impaires.
La voix aérienne d”Ari Roar est également perdue dans ses pensées tout au long de l'album, même sur le morceau plus agressif et agité "Feel Warm" ainsi que sur le morceau tout aussi rythmé "Far from the Rest".
Ce dernier morceau présente un phrasé vocal particulièrement flottant, digne de Morrissey, qui navigue sans effort dans ses changements de tonalité. Même un morceau midtempo comme "Joke to Tell" et ses lignes de guitare plus sinueuses font bouger les têtes et fredonner les paroles. Se débattant constamment avec le fait d'être submergé par le quotidien, l’album Made to Never Use se termine sur la dernière track "Hide Out" avec une requête : celle d’aller promener le chien. Le chanteur/compositeur réaffirme alors avec cet album son statut de maître sous-estimé des bangers indie pop courts et anxieux.