Malgré son nom un peu ridicule, ses nattes, sa propension à poser avec des glaces et des bonbons et, bien sûr, son titre Bubblegum qui joue avec les clichés de l'ingénue, Biig Piig - ou Jessica Smyth - est une artiste qui arrive avec un projet qu’il faut tout à fait prendre au sérieux. Née en Irlande, élevée en partie en Espagne, résidant maintenant à Londres et à Los Angeles, elle s’est fait une place bien à elle depuis que ses morceaux ont commencé à accumuler des millions de streams à la fin de son adolescence, et elle semble avoir une bonne idée de ce qu'elle veut faire.
Associée au collectif multimédia NiNE8 de Lava La Rue, elle a pris son temps pour trouver sa voix et son identité et ce n'est qu'aujourd'hui, à 25 ans, qu'elle sort sa première "mixtape". Et ça sonne vraiment plein d’assurance.
C'est la pop de l'ère de Caroline Polachek du groupe Chairlift, Charli XCX, Christine & The Queens, Billie Eilish, Pink Pantheress : pleine de bizarreries électroniques, à l'aise dans différents styles de dance underground, pleine d'expression très personnelle et cool mais toujours avec une oreille aiguisée pour ce qui peut se concrétiser en succès radiophonique.
L’album débute par un peu de funk sophistiqué des années 80, avec une facilité déconcertante et une dynamique inattendue, puis on dérive ensuite vers le UK garage tendance two step et le genre de techno-pop gothique et glitchée dans laquelle Billie Eilish excelle.
Puis on passe à une disco-pop façon Dua Lipa, bien que fortement réverbérée, à du trip-hop, à de la drum'n'bass old school étonnamment rugueuse, et on termine par un petit coup de guitare indie comme Xenomania en mettait parfois sur les chansons de Girls Aloud ou de Sugababes.
Cela pourrait facilement être un exercice de catalogage de styles à la mode, mais c'est tout sauf cela. Les réflexions de Jessica Smyth sur la connexion, le désir et la perte rayonnent de personnalité, sa voix soyeuse est une merveille, qu’elle chante en anglais ou à l’occasion en espagnol, et l'ensemble se tient incroyablement bien. L'album pourrait aussi sembler léger avec ses sept titres, mais la qualité compense aisément la quantité. Une proposition aussi audacieuse laisse en tout cas présager de nombreux autres succès à venir.
