Après avoir enregistré deux albums à distance, le groupe a pu à nouveau jouer ensemble en studio au moment venu pour Altin Gün d'enregistrer leur cinquième album. Ce sentiment joyeux de libération et d'unité rayonne dans ce nouveau disque intitulé Aşk. Sur les albums précédents Yol et lem, le groupe avait tempéré sa fascinante mise à jour du psychédélisme turc avec des synthés extra-forts, des boîtes à rythmes et une retenue pour le moins surprenante. Mais cette fois, le groupe s'efforce de retrouver l'ambiance agitée et exaltante de ses concerts.
Quelques secondes après l’intro de l'album, il apparaît tout à fait clair qu'ils y sont parvenus, à l’écoute du morceau "Badi Sabah Olmadan", qui figurait également sur l’album précédent lem mais dans un incarnation plus brumeuse et électronique. Cette fois ce morceau est joué dans une version très live qui nous fait penser à du King Gizzard turc. Une fois de plus, le groupe insuffle une nouvelle vie à des chansons folkloriques turques vieilles de plusieurs décennies, avec des percussions engageantes, des basses bouillonnantes et des guitares hypnotiques portées par une batterie des plus solides.
Le saz électrique est une fois de plus à l'honneur, avec Erdinc Ecevit qui évoque des mélodies du passé et les amène avec une certaine magie dans le présent. Lui et sa co-vocaliste Merve Dasdemir échangent leurs points de vue, se partagent équitablement les tâches de direction et s'associent à l'occasion pour offrir de superbes harmonies. Le groupe fait comme si les trois années passées n'avaient jamais eu lieu, avançant comme s'ils suivaient l’album Gece sans faire de pas de côté.
On pourrait alors considérer qu'il s'agit de réchauffé, et bien non car ce ne serait pas rendre honneur à ces nouvelles compositions si réussies. Il serait plus juste de dire que c'est plutôt comme s'ils revenaient à leurs points forts avec une vigueur toute renouvelée.
Des titres comme "Su Siziyor" et "Çit Çit Çedene" proposent des grooves hypnotiques auxquels il est impossible de résister, "Rakiya Su Katamam" et "Badi Sabah Olmadan" procurent une grande joie psychédélique, et des morceaux plus calmes comme le très joli "Leylim Ley" et "Dere Geliyor" d'inspiration dub permettent quelques moments d'introspection brumeuse.
Seule le titre "Doktor Civanim", qui fait la part belle à la disco et aux séquenceurs, témoigne d'une certaine nostalgie de leurs albums plus électroniques. Après avoir surmonté les années de pandémie, Altin Gün aurait pu orienter sa musique dans un grand nombre de directions, surtout après avoir prouvé que leur modèle fonctionnerait dans un environnement plus électronique. C'est tout à fait normal qu'ils aient choisi de revenir à un son qui leur était familier.
L’album Aşk est la preuve qu'il reste beaucoup de temps avant que leur groupe ne tombe en panne d'inspiration.