Le premier album de Sampha intitulé Process, qui s'est classé dans le Top 10 britannique et a remporté un Mercury prize, était l'aboutissement de plusieurs années de travail en studio, principalement au service d'autres artistes, qu'ils soient underground ou mainstream. Ce collaborateur polyvalent, et le meilleur choix de chanteur pour tout musicien souhaitant une valeur ajoutée émotionnelle à sa musique, n'a pas tant répondu aux bonnes critiques de son premier album qu'il a continué à accumuler des dizaines de rôles en arrière-plan ou principaux, que ce soit en participant au titre "Walking Flames" d'Actress ou au "Father Time" de Kendrick Lamar. Les sujets de ces deux morceaux, la parentalité et le temps qui passe,  se trouvent être deux thèmes majeurs du deuxième album de Sampha, sorti six ans après le premier.

Alors que sur Process, Sampha projetait des visions cauchemardesques et pleurait la mort de sa mère, Lahai, nommé d'après son grand-père paternel, s'inscrit dans une perspective différente, inspirée par la naissance de sa fille et une fascination pour le génie de Kodwo Eshun, et son manifeste afro futuriste intitulé More Brilliant Than the Sun : Adventures in Sonic Fiction, mais aussi par les théories du physicien Brian Cox sur le voyage dans le temps.

Bien que ce nouveau disque soit beaucoup moins morose, la joie, l'émerveillement et les souvenirs plein d’affection de ces morceaux sont tout de même soumis à l'épreuve de l'inquiétude, l'incertitude et la nostalgie.

Comme dans le titre "Suspended", où Sampha semble d’abord exulter, puis son piano commence à prendre une qualité plus anxieuse intensifiée par la batterie nerveuse de Kwake Bass, et on a l'impression que le chanteur s’élève à une hauteur périlleuse, que sa voix est fragile et déformée au point le plus haut. Le titre "Evidence", composé essentiellement de piano, de bongos et de la voix de Sampha, rayonne de joie parentale tout en étant hantée par le doute. Deux des meilleurs morceaux ont été inspirés par le livre Jonathan Livingston le goéland.

Cette fable est citée dans le trépidant "Spirit 2.0," , où Sampha recherche la liberté et l’épanouissement personnel, soutenu par la propulsion rythmique complexe du batteur Yussef Dayes. Et puis il y a "Jonathan L Seagull (JLS)", une acceptation de rupture communiquée avec une folk-soul et une chorale contenant une section hip-hop plus vivante. Le nombre de choristes sur ce titre dépasse à lui seul la somme des collaborateurs invités sur cet album Process.

C'est d’ailleurs caractéristique de la composition collaborative de l’album Lahai, qui implique un collectif de producteurs, chanteurs et acteurs dont El Guincho, Ibeyi, Yaeji, Laura Groves, Léa Sen, Ben Reed, Mansur Brown, et bien d'autres, presque aussi impressionnant que la diversité d’artistes qui ont pu solliciter Sampha pour leurs propres productions. Lahai se termine de façon assez appropriée par une scène d'unité communautaire, comme à l'occasion d'un retour au pays après une longue absence, où tout le monde parle fort dans la même maison.

https://sampha.bandcamp.com/album/lahai

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