C’est le retour du chanteur et musicien congolais Bony Bikaye. Mieux connu pour son chef-d'œuvre culte de 1983, intitulé "Noir et Blanc", cet album afro-électronique hypnotique, réalisé en collaboration avec le visionnaire Hector Zazou et les compositeurs électroniques d'avant-garde CY1, qui reste une œuvre très impressionnante. Sa production New Wave / Krautrock pleine de bleeps derrière la voix innovante de Bony Bikaye sonne déjà comme l'avant-garde de l'afro-futurisme avant qu'on ait eu l’idée de l’appeler ainsi.
Quarante ans plus tard, Bony Bikaye s'est trouvé de nouveaux collaborateurs et c'est comme s'il ne s’était jamais arrêté. L'album intitulé "It's a Bomb" porte bien son nom car la sorcellerie de ses précédents travaux est toujours intacte, et le groupe électronique parisien TONN3RR3 est le partenaire idéal pour ses talents inaltérés.
Bony est un chanteur qui a plusieurs voix et c'est cette capacité à se faire caméléon vocal qui a attiré l'attention de Guillaume Gilles, du groupe TONN3RR3, lorsqu'ils ont tous deux été invités à un atelier congolais pour les étudiants d'une université parisienne.
Guillaume se rend vite compte qu'avec la capacité de TONN3RR3 à hybrider toutes sortes de formes musicales, une collaboration devenait évidente à ses yeux. Le trio TONN3RR3 (Guillaume, Olivier Viadero et Yoann Dubaud) invite alors la percussionniste Gaëlle Salomon (Femi Kuti) et le sorcier des synthétiseurs Guillaume Loizillon (musicologue et professeur à l'origine de la connexion avec Bony Bikaye et surtout qui était un membre original de CY1, et tout ce petit monde se rencontre alors dans les studios parisiens de TONN3RR3 pour composer cet album It’s a Bomb
Chanté principalement en lingala, le mélange rappelle le travail d'Hector Zazou, mais aussi le chef-d'œuvre de Ray Lema, Medicine (1985), d'une grande richesse de texture. Les paroles de Bony Bikaye explorent l'amour, l'argent et Dieu, mais on a l'impression qu'il convoque les esprits de la forêt, incarnant la vie enchevêtrée et interconnectée de la nature.
L'album est très varié, allant d'une réimagination du soukous congolais sur "Prisonner", avec des cascades de notes incandescentes jouées par le maître de la guitare Diblo Dibala, à la ferveur disco amusante de "Bana Disco" qu’on vient d’écouter, en passant par l'ambiance plus sombre de "Keba Na Butu", où Bony Bikaye chuchote, avec une ambiance menaçante qui évoque Tricky dans ses moments les plus sombres, et va même plus loin encore. Sur le titre "It's a Bomb", le rebond de la rumba congolaise reflète le rythme irrésistible que Bo Diddley a rendu populaire. Une musique à danser, mais aussi à envoûter, qui emmène l'auditeur dans un voyage mêlant finement les sons numériques pointus et le cœur de la sorcellerie musicale congolaise.
https://bornbadrecords.bandcamp.com/album/its-a-bomb