Le nouvel album de Darkside est une expérience de déconstruction sonore, où des éléments familiers sont brisés puis recomposés de manière déroutante. Fruit de la collaboration entre Nicolás Jaar et Dave Harrington, ce projet a toujours évolué à la croisée du rock psychédélique, de la musique électronique et du jazz. Mais avec ce nouvel album, ils poussent encore plus loin leur penchant pour l’expérimentation. La musique évolue en permanence, attirant l’auditeur avec des motifs reconnaissables avant de les métamorphoser en quelque chose d’inconnu. L’ajout du batteur Tlacael Esparza renforce la structure rythmique de l’album, apportant une dimension tactile à un disque autrement insaisissable.

L’album repose sur un sentiment de désorientation, oscillant entre clarté et abstraction sonore, à l’image d’un signal radio qui s’efface et qui revient. Des morceaux comme Slau et Are You Tired? (Keep on Singing) illustrent parfaitement cette dynamique, construisant un groove pour ensuite projeter l’auditeur dans un tout autre univers sans avertissement préalable. Le dernier titre que je viens de citer est un modèle de juxtaposition : il passe d’une texture électronique dense à un passage de guitare rappelant The Grateful Dead, avant de replonger dans l’obscurité. Cette imprévisibilité définit Nothing, lui conférant une impression de mouvement perpétuel.
Le jeu de batterie d’Atlael Esparza joue un rôle essentiel dans la cohésion du disque.

Son approche organique apporte une souplesse à un paysage sonore autrement dominé par des manipulations synthétiques. Des titres comme Heavy Is Good For This équilibrent instrumentation traditionnelle et effets déformés, créant une tension jamais totalement résolue. De son côté, le morceau Hell Suite, Pt. I commence comme une improvisation jazz chaotique avant de lentement s’agencer en un groove, avec la voix spectrale de Nicolas Jaar planant au-dessus. Son détournement des paroles de Imagine de John Lennon en "Imagine all of the people, living in hell. Does it take much?" ajoute une ironie sombre à l’atmosphère déjà inquiétante du morceau.
Sous son approche technique, Nothing porte une charge émotionnelle forte.

Il oscille entre contrôle et chaos, entre chaleur et désordre total. L’album semble être un exercice de lâcher-prise, sur les attentes, sur les conventions musicales, voire sur la mélodie elle-même. Des morceaux comme Sin El Sol No Hay Na et American References incarnent cette dualité, où des rythmes familiers s’effacent peu à peu sous l’effet de distorsions et d’abstractions. L’album évoque la manière dont les souvenirs ou les rêves déforment la réalité : ce qui commence comme un élément reconnaissable se dissout rapidement en quelque chose de plus onirique.

Au final, Nothing est une exploration du collage musical, déconstruisant les genres pour les remodeler en une œuvre totalement unique. Il exige une écoute active, offrant des instants de groove et de mélodie sans jamais permettre de s’installer dans un confort prolongé. À une époque où la musique privilégie l’instantanéité, Nothing est une rare invitation à la perte de repères, récompensant ceux qui acceptent de se laisser happer par son paysage sonore imprévisible.

https://darkside.bandcamp.com/album/nothing

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