Le coup de coeur 2010 de l'équipe Novorama Toulouse a été Mr Grandin et son album Mister Dressmaking and the patchwork mind (chroniqué ici).
Alliant hip-hop et techno de manière remarquable, l'univers et l'identité musicale de l'artiste méritent le détour.
Nous continuons donc cette aventure avec lui, en étant partenaire de son concert du 5 janvier prochain et en lui donnant volontiers la parole.
Interview décompléxée autour de son futur album, son groupe, son live, son univers visuel et musical, ses écoutes passées et ses influences du moment comme le trip-hop, la dub-step, Amon Tobin, Fink, Bonobo, Mr Oizo et surtout, le retour de Mister Dressmaking, plus fêlé et vivant que jamais !
Novorama : On va commencer par ta formation live, peux tu nous les présenter ?
Mr Grandin : La violoniste est de formation classique. La musique électronique n'est vraiment pas son univers. Elle a une vraie formation classique donc c'est génial, parce qu'elle a ce truc magique de l'oreille parfaite. Alors que moi qui n'ait pas vraiment de formation de musicien, je parle avec des gestes et des onomatopées, ça fait des discussions assez bizarres... Elle écoute le morceau, écrit la partoche à la volée puis ça fonctionne.
Le guitariste n'est pas du même univers non plus, lui c'est plutôt le rock, Donc là c'est pareil, il n'est pas là pour envoyer des solos à la Jimmie Hendrix mais il rajoute et remplit les morceaux avec de bons gros sons de guitares.
La cerise sur le gâteau, c'est Ornella, une chanteuse rencontrée totalement par hasard il y a un an, quand il n'était pas question de faire de la scène. Elle écrit les paroles et on réorchestre tous les morceaux que j'ai fait.
Ce que j'aime bien, c'est que l'histoire de l'album continue sur scène, c'est une deuxième lecture. Les gens qui connaissent le disque vont reconnaître quelques morceaux mais l'orchestration est différente.
Sur scène, les morceaux chantés du disque, je n'y touche pas, ou seulement avec les Mcs repesctifs comme Pape N'Diaye qui sera là au concert du 5 janvier, et les morceaux non chantés, on en a retravaillé certains.
Après, une fois qu'on est partis, c'est du n'importe quoi, je danse comme un plouc. Sur une vidéo de concert, pendant un morceau qui est d'une lenteur extrême, la chanteuse et la violoniste font des trucs langoureux, le guitariste envoie des riffs super lents et derrière tu as un Zebulon. On dirait que j'écoute autre chose, c'est ridicule (rires). Quand je fais de la musique, si je danse dessus, c'est que c'est bon pour moi. C'est les relans de vieux technoïde (rires).
Novo : As tu une idée de ton public ?
Pas vraiment mais il y a des gens de tout âges, c'est assez large. Des gens de mon âge, qui ont la quarantaine, d'autres qui ont vingt ans. J'ai vu que ça fonctionnait sur les deux tableaux.
Les gens, même si c'est du trip hop, dansent parce qu'il y a quand même un gros beat derrière, le set a été monté pour que je puisse attraper le public et m'amuser sur les morceaux. Je joue comme si je jouais de la techno et on laisse libre place à l'impro avec la violonniste par exemple, on part sur des gammes et on construit chacun comme dans le jazz, tout en gardant la structure.
On a mis un an à construire ce live parce que je ne voulais pas que les morceaux soient identiques et je n'avais pas le language musical, pour parler des temps aux musiciens par exemple. Je refait le live une heure et demi par jour, chez moi.
Novo : Peux tu nous parler du futur album ?
Il y a cinq morceaux qui sont finis, il faut juste les mixer et les peaufiner, quatre morceaux qui sont à dévelloper et deux à créer.
Novo : Question inspiration, cogitation et travail, comment s'est passé le processus de création ?
Je suis parti dans le même état d'esprit que le premier album. Je suis vraiment resté sur cet univers là.
La réflexion que je me suis faite, c'est "Est ce que je pars dans quelque chose de très orchestral ou de beaucoup plus dancefloor ?".
L'un me paraissait un peu vantard, un peu au dessus de mes moyens, par rapport à ma formation musicale et l'autre ne me plaisait pas trop. Du coup, j'ai pris les deux.
Je suis amoureux du dub-step mais ça ne m'intéresse pas d'en faire. J'arrive à y retrouver le trait d'union entre le hip-hop et la techno, en tout cas quelque chose d'hybride. Le dub step n'a rien réinventé, c'est juste du gros son. Pour moi, et tu vas peut être pas être d'accord mais l'inventeur du dub step, c'est Mr Oizo (rires).
Par exemple, pour Racogliere, je ne sais pas si c'est flagrant, mais j'ai pris une base dub-step et j'ai réorchestré comme sur l'ancien album où il y a beaucoup de synthés analogiques dont je ne me veux pas me séparer. C'est un peu ma marque de fabrique. Il y a des gens, par contre, qui détestent ce morceau parce qu'on sent trop l'influence electronique à l'intérieur.
Pour le deuxième album, je pars sur cette idée de commencer les morceaux sur une base dub-step. Donc je cherche une basse mais je ne la monte pas comme un morceau de dub-step, je ne la cute pas, elle est en continue et un peu hypnotique.
Novo : As tu l'intention de changer de Mcs ?
J'ai reproposé à Ghosttown et à Ray Valentine mais il est en mode tranquille sur Berlin donc on verra. Et j'attends une réponse pour Youthstar, le Mc des Dirtyphonics, pour qu'il rappe sur Racogliere.
Pour le disque, je ne veux pas être pressé, on verra bien comment ça va se passer. J'ai l'impression que je cerne bien ce que je fais.
Novo : Vas-tu garder le même univers que le premier album ?
Oui, je vais garder le personnage de Mister Dressmaking. Ce qui m'inspire mais qui n'est pas encore sûr, c'est de prendre un morceau du premier album, imaginé comme une facette du personnage, et pousser cette facette, toujours cinématiquement.
Novo : Tu pourrais presque lui faire une petite soeur ou une maman à ce Mister Dressmaking complétement tarré ?
Oui, oui (rires). En live surtout, il y est vraiment, avec une scénographie faite de petites saynètes (relatives aux interludes du disque) qu'on balance entre quelques morceaux, comme l'intro avec Mr Loyal qui parle ou Tais-toi où Mr D. insulte tout le monde, encore plus effrayant et jeté que sur l'album. Il y a aussi les clips, on s'apprête à faire le troisième.
Et tout ça, ça marche plutôt bien.
Novo : L'univers de l'album prend donc vie avec le live ?
J'aime pas trop aller voir un concert pour réécouter l'album. On aura peut être envie d'entendre la même chose mais c'est bien d'être surpris, quand ça ne sonne pas pareil.
Mes morceaux sont à peu prés préparés au début mais je change parfois une fin qui me déplait.
Novo : Tu n'utilises pas de samples dans tes morceaux, pourquoi ce choix ?
J'ai un peu fait le tour du hip hop à samples je crois. Je préfére composer. Je ne suis pas un musicien qui prend un synthé comme un cador, loin de là, mais même les petites lignes, quand tu les fait toi même, ça amène du grain.
Novo : En trip hop, j'ai découvert L'Onironaute, tu connais ?
Oui j'adore, on est sur la compile TripHop.net ensemble en fait. Je l'écoute trés souvent, ça se rapproche vraiment du son d'Amon Tobin avec Bricolage. Il est trés surprenant d'ailleurs Amon Tobin, toujours une longueur d'avance.
La première fois que j'ai écouté Isam, je n'étais pas convaincu, la deuxième fois, je commence à me dire "Putain, le mec, quand même, il arrive à caller des trucs, c'est pas mal foutu !". Et la troisième fois, j'ai dit "ok, c'est encore lui", et puis son live, il arrive pas avec une poche de vinyles, il arrive avec des gens derrière, c'est du taff. D'ailleurs, je suis le premier à l'avoir fait jouer à Toulouse il y a longtemps, en faisant sa première partie (rires).
Il y a des mecs dans la musique electronique qui me sidérent, qui arrivent vraiment à faire des coups de génie à chaque fois et à avoir l'intelligence de ne jamais être fatiguant. J'essaie de faire pareil, en restant humble.
Novo : Que penses tu Bonobo ?
Oui j'aime bien, c'est très bon.
Novo : Question bébette mais de notre temps, comment gères tu ton image, j'ai vu qu' il y avait beaucoup de monde sur ta page Facebook par exemple ?
Oui, il y a cinq ou six nouvelles personnes par semaine sur Facebook. Et sur Soundcloud, ça explose, il y a quinze personnes qui se rajoutent par semaine.
Ca veut pas dire grand chose mais ça fait partie de la promo. Il y a des gens qui ne comprennent pas que j'en fasse... Je sais pas ce qui les dérange...
Le but du jeu, c'est qu'on écoute ce que je fais, que ça ne reste pas dans mon disque dur.
Novo : C'est toi qui à travaillé sur les visuels du concert ?
Non, je les ai fait avec un gars qui travaille pour Triax, une grosse boite audiovisuel de Toulouse. Il m'a offert une session dans le studio avec un écran vert et Nathan Gross comme acteur. On a été filmés de manière très pro. On a monté toutes les saynètes.
On m'a dit, lors du premier concert, que c'était dommage qu'il n'y ait pas beaucoup de vidéos. Mais c'est aussi un choix, parce que pour que la vidéo ait un sens, il faut qu'elle apparaisse à des moments en racontant quelque chose. Le reste du temps, il y a juste le logo en noir qui apparait derrière moi.
J'attends aussi le clip de Racogliere, en préparation depuis le mois de juin 2011. Je me suis inspiré des bds que tu lis avec un Ipad. C'est génial parce qu'elles sont montées et mise en scène comme un clip. Je suis allé au culot sur un site où il y a plein de dessinateurs et de scènaristes, en proposant une collaboration. Le morceau a été fait en fonction du scènario. Le dessinateur, qui a 19 ans et qui est trés doué, a monté les planches, je les reçoit lundi.
Le héros de l'histoire, c'est Mister Dressmaking en cowboy. Il fabrique le masque de la couv' du premier album parce qu'il s'est fait défoncé la gueule par des méchants et il se venge...
On attend donc ce deuxième album mais on recommande aussi de découvrir cet artiste. Monsieur Grandin et son Mister Dressmaking reviennent nous en coller une et nous, ça nous fait baver et tendre la joue !
Interview réalisée le 30 décembre 2011, à Toulouse.
Prise de son et retranscription : CF
Site web de Mr Grandin