On a profité du festival La Petite invite # Nuits Sonores (Toulouse) pour interviewer The Shoes. Fidèles à eux mêmes, les deux rémois se sont livrés humblement sur leur album, leur carrière passée et future.
Interview croisée avec les membres du webzine Bring Your Jack.
Nous avions déjà interviewer The Shoes c'était pendant leur passage au Trans Musicales 2008. Interview vidéo à revoir ici
Vous tournez beaucoup en ce moment ?
On tourne beaucoup, on fait beaucoup de camion, on conduit beaucoup.
C'était pas non plus une très grosse tournée, on travaille beaucoup en prod, donc il fallait quand même qu'on aménage un emploi du temps.
Je pense que l'année prochaine on fera une plus grosse tournée.
Vous êtes allés au Bestival ?
On y était il y a deux ans quand la scène s'est enfoncé dans le sol. On a dû jouer trois minutes en tout.
C'était vraiment le cauchemar. Même les anglais disaient que c'était chaud. Pour qu'un anglais te dise ça, c'est qu'il pleut !
Comment s'est passé le processus de création pour l'album Crack my bones ?
On n'a pas trop de règle. Des fois on travaille ensemble, des fois on fait des trucs tout seuls.
Du coup ça a été un petit peu long. On a fait beaucoup de morceaux pour au final en garder dix.
Notre producteur (Lexxx, l’un des jeunes producteurs anglais les plus en vue) a balancé des sons qu'on trouvait bien, puis finalement c'est lui qui avait raison, il nous a aidé à faire des choix. Ça a été primordial. On a vraiment tout rebossé et remixé à Londres, on a fait de la production additionnelle, on a enlevé des pistes, on en a réenregistré d'autres notamment, avec Keiser qui a joué pas mal de fois.
Est-ce que pour vous, The Shoes, c'est le meilleur boulot que vous ayez
fait ?
On espère ! En tout cas c'est celui dont on est le plus fier dans le sens où c'est vraiment abouti, on est partis à Londres pour le faire. On s'est entouré d'une équipe que l'on estime être très compétente. Donc en fait oui, pour répondre à ta question c'est oui !
Votre album a fait coulé beaucoup d'encre dans les médias et même sur les blogs, êtes vous satisfait de ce qui s'est dit globalement ?
Globalement on s'attendait pas à un tel accueil. Vu qu'on a commencé en Angleterre, on a eu peur qu'en France ça ne soit pas pareil et on a été vachement surpris. Il n'y a pas eu vraiment de mauvaise critique.
Pour dire la vérité on était vraiment très surpris. On pensait qu'on allait avoir des mecs qui nous assassine, on avait fait une parano là-dessus. Et finalement l'accueil a été quand même très positif. Pour un musicien, quand tu lâches ton truc, tu as quand même la pression. Tu donnes ça a la critique, bon c'est le jeu. Puis finalement on s'en est bien sortis.
Du coup vous reviendrez pour le deuxième album ?
Voilà ! Et comme tout le monde se fait descendre pour le deuxième album, on a décidé de faire directement le troisième album. On va sauter le deuxième.
Et là, si on nous dit que le troisième est moins bon que le second... (Rires) ça va chier !
Vous trouvez qu'il y a une différence dans la réception et dans la perception de votre musique entre l'Angleterre et la France ?
A l'époque où on tournait beaucoup en Angleterre c'était surtout en DJ set, on avait un live plus électro, on était deux, avec les machines.
Là, sur la tournée française on arrive avec un jeu différent, qu'on a joué quelques fois en Angleterre, on était très fiers de faire ça.
Mais ce live là on ne l'a pas encore trop tourné en Angleterre, ce sera pour l'année prochaine. Donc on te répondra à ce moment là !
On dirait que vous ne vous êtes imposés aucune limite sur l'album, comment avez vous fait pour retranscrire tout ça sur scène ?
C'était compliqué. En tout cas c'est vrai qu'à un moment, en faisant l'album, on a remarqué qu'on ne se donnait pas de limites. Et sur scène, on a essayé plusieurs formules et on a choisi un truc un peu plus électro, un peu plus fluide. On voulait que ça sonne "live" comme l'album parce qu'il y a beaucoup d'instruments. C'est pas un album où il y a beaucoup de samples finalement, c'est beaucoup de parties qu'on a joué nous-même. Dans la musique électronique c'est toujours un épineux problème la retranscription pour le live. Nous, on a eu la bonne idée, je pense, de recruter nos deux batteurs, Das Galliano, qui ont vraiment apporté quelque chose de primordial dans le live. Ils ont travaillé toute une structure rythmique à la batterie, ce qui a apporté la touche live qui nous manquait. Donc merci les copains !
Est-ce que vous allez faire quelque chose de spécial pour la date à La Cigale ?
Ah oui oui ! Oui je veux ! En fait il y a tous les featurings de l'album qui viennent, à part Anthonin des Bewitched Hands. Les deux Galliano seront accompagné de deux autres batteurs, donc quatre batteurs. Il se sont multipliés ! Puis il y aura un cracheur de feu (Rires), la chanteuse d'About The Girl et celle du groupe OKI qui feront tous les choeurs, les refrains. On sera quatorze musiciens. Un peu à la Debout sur le Zinc ou Marcel et son Orchestre ! On s'est inspiré d'eux directement (Rires).
Est ce que des groupes comme Justice ou RadioSoulWax vous ont inspiré ?
Ah Soulwax beaucoup ! En terme de live électro, avec LCD SoundSystem, il y a rien eu de mieux.
Puis pour Justice on est fans mais pour notre album, on voulait s'éloigner du son très compressé, on est allé à l'opposé de cette démarche là, on a voulu faire un album très cristallin, très clean. Quoique là avec leur nouvel album ils sont revenus à un son un peu plus clair. Mais non à l'époque on ne s'est pas vraiment inspiré d'eux, justement au contraire.
Et Soulwax, pour le live ?
Ouais, pour le live. Mais sur cet album on a surtout été inspiré par les nineties avec des groupes comme The Cure et leur ouverture d'esprit, capables de faire des pop songs très joyeux et à la fois coldwave hyper dépressif. C'est de cette démarche là que nous sommes partis.
Avez vous avez un remix favori de l'un de vos titres ?
J'aime beaucoup le remix que notre pote Boombass de Cassius a fait de Wastin Time, celui de Cover your eyes aussi. Et moi, celui d'Étienne de Crécy de Stay the same, un truc à l'ancienne.
Wastin' Time BOOM BASS Remix by THE SHOES
Celui de Sirius Mo aussi ?
Ouais c'est vrai, on peut pas choisir parce que celui de Sirius Mo il est vraiment bien. Il nous en a fait deux en plus. En plus, il fait pas tant de remix que ça donc on était content de l'avoir.
Est-ce que vous comptez produire des artistes de la scène rémoise ?
Oui, Thomas des Galliano et moi-même on aide About The Girl, une chanteuse rémoise qui sera sur la prochaine compile Kitsuné d'ailleurs. Après, il y a nos copains des Monsieur Monsieur à qui on donne un coup de main de temps en temps. Oui, on est très ouverts à ça. De toute façon nous on produit, c'est notre boulot.
Vous avez travaillé avec Gonzales, racontez nous ?
Il a joué le piano sur le titre The Wolf Under The Moon pour l'album.
Parce que Benjamin avait fait une putain de partie de piano samplée avec un vieux mp3 pourri et c'était inaudible. Mais la partie était super intéressante donc Gonzales a mis en forme.
Et comme c'est un génie, on lui a envoyé le truc et au bout de quelques heures il nous a renvoyé seize pistes piano avec plein de trucs dans tous les sens.
Sur cet album on a eu pas mal de coups de chance. On parlait de remixeurs, des potes à nous ou des gens qu'on connait pas et qui nous ont fait, entre guillements, « l'honneur » de nous remixer. On a eu Gonzales qui a accepté tout de suite de travailler avec nous. On a eu vraiment du bol et puis après, l'accueil des blogs ! Je trouve qu'on a eu de la chance et on est assez contents.
Dans votre manière de faire du son, j'ai l'impression que vous essayez d'englober tout ce qui est pop, soit nostalgique, soit péchu, vous allez un peu partout en fait ?
On pourrait trouver une formule qui marche bien et la décliner sur douze morceaux, ce qui est aussi respectable, mais nous c'est pas notre truc. On s'ennuie vite si tu veux.
On aime tellement de musiques différentes qu'on aime bien essayer de mélanger un peu tout ça.
Souvent on bloque sur un morceau d'un groupe des années 60 ou 80 ou n'importe, et ça nous inspire pour faire autre chose. C'est une histoire de rythmique, de rendre le truc un peu plus moderne, d'y mettre notre habillage. Donc c'est vrai qu'on va un peu dans tous les sens. C'est pour ça que Lexxx était là pour donner une cohérence à tout ça.
Pour les chanteurs qui interviennent dans votre album, vous leur avez dit exactement ce qu'il devaient faire ou vous leur avez laissé carte blanche pour qu'il essaient de vous surprendre ?
Plutôt carte blanche. On a donné des pistes quand même, des chants qu'on faisait nous, en yaourt, des bonnes idées comme ça. Mais on leur a laissé vachement de place.
C'est un mélange des deux. Mais on avait vraiment envie de les investir dans l'écriture du morceau pour qu'il s'approprient vraiment le truc et qu'il aient vraiment envie.
Il y en a qui se sont permis vachement de choses, par exemple Tim de Volt Machine, on lui a donné notre morceau avec des idées de chant. Il y a des trucs qu'il a respecté et d'autre qu'il a chamboulé complètement.
Il a changé un accord en plein milieu du morceau. Donc on leur laissait quand même une liberté.
Après il y a des idées qu'on a retenu, d'autres non et ça s'est fait comme ça.
Par exemple sur Cliché, il y avait une instru très minimale. Anita a chanté dessus et ça a inspiré Benjamin pour faire tous les arrangements.
L'enregistrement a duré combien de temps ?
Un mois, un mois et demi. C'était bien d'avoir une limite de temps, le studio coûtait cher, on était à Londres donc il fallait qu'on speed. Si tu nous laisse trop de temps on branle pas grand chose.
Vous avez aussi bossé avec Julien Doré, comment s'est passée la collaboration ? Comment mettez vous votre patte sur la chanson française ?
C'est marrant je trouve. On est très éclectiques donc on écoute aussi de la chanson française. Plutôt des choses anciennes, mais Julien on l'a rencontré dans une fameuse boite parisienne, on a pris une cuite, on lui a proposé des morceaux et voilà.
Mais ça nous amuse vachement. A la limite, sur le papier, on te dit : "on fait un truc avec Julien Doré, on se dit non, et après on rencontre le mec, Benjamin s'est lié un peu d'amitié avec lui. Et finalement tu discutes, tu te rends compte que le mec a de bonnes références et qu'il te laisse une liberté dans l'écriture. C'est ce qui s'est passé avec Gaëtan Roussel aussi. A l'époque de Louise Attaque on m'aurait dit tu vas faire un album avec lui j'aurai dit non en fait. Et puis c'est devenu un super pote.
De faire ça, ça nous nourri pour nos propres trucs aussi
Euh... Ah oui le petit gâteau rose de Champagne c'est ça ?
C'est une asso gai à Reims ! Non, le Biscuit Rose !
Interview réalisée le 04/11/11
Crédit photo : Pierre Humbert (Moltisanti)